Vers un remboursement de la psychothérapie en Belgique?
A la demande de l’INAMI, le KCE (Centre fédéral d’expertises des soins de santé) a rédigé un rapport intitulé Modèle d’organisation et de financement des soins psychologiques (Rapport 265Bs). Ce rapport présente un certain nombre de propositions concernant l’organisation du remboursement des soins de santé psychologiques en Belgique.
Notes préliminaires
Attention: s'il y a dans l'existence même de ce rapport le signe fort d'un intérêt du gouvernement pour la question des remboursements des soins psychologiques, rien n'indique que la psychothérapie sera effectivement remboursée en Belgique ou que les budgets en ce sens pourront être dégagés dans un contexte économique compliqué.
Il ne s'agit pas d'un projet de loi! - Un malentendu circule en effet concernant ce rapport, et il est donc important de préciser qu’il ne constitue en aucun cas un projet de loi mais un avis consultatif, un ensemble de propositions et de recommandations qui fera, le cas échéant, l’objet de discussions ou aménagements.
Je vais tenter d’en faire un résumé succinct et le plus neutre possible. Le rapport 265Bs du KCE est disponible en téléchargement pour une lecture complète et pour se faire son propre avis.
Constats de départ
Les constats de départ sont essentiellement ancrés dans une logique économique. De nombreuses personnes en souffrance psychologiques et n’ont pas d’accès à des soins de santé mentale suffisants pour des raisons financières. Un autre aspect relevé est le recours trop importants aux médicaments psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques), lesquels n’ont qu’une efficacité toute limitée.
Le rapport de KCE insiste donc sur les avantages de l’accès à la psychothérapie, tant sur le plan personnel que sur le plan économique/sociétal.
Proposition d’un système à deux niveaux d'accès
Après avoir approfondi la situation actuelle en Belgique (p.9) ainsi que les principaux problèmes identifiés (p.11), le rapport examine plus en profondeur le système de fonctionnement du remboursement à l’étranger (p.13) ainsi que les projets pilotes flamands de psychologie de première ligne (p.16).
Des ces réflexions découle la proposition d’un système de remboursement à deux composantes qui constitue véritablement la structure centrale du rapport (p.17). Ce système fonctionnerait dans une logique de prise en charge progressive (concept de stepped care, p.22).
1. Un premier niveau à bas seuil d'accès
La première composante, c’est un système de soins psychologiques d’accès direct, c’est-à-dire sans aucune condition ni contrôle. Vous avez un souci psychologique ? Vous pouvez consulter de votre propre initiative un professionnel de votre choix (psychologue ou médecin) mais uniquement pour un nombre limité de séances remboursées. Cette première ligne est dite à bas seuil d’accès. L’idée est de donner une première réponse rapide à des soucis psychologiques quotidiens ou modérés en toute liberté.
Une première porte d’entrée serait celle du médecin généraliste (p.19). Mais le rapport estime que limiter l’accès de première ligne à la seule porte des MG n’est pas suffisant, et le psychologue clinicien est également mentionné, ainsi que le psychiatre. Le rôle d’intervenant de première ligne ferait néanmoins l’objet de conditions très spécifiques de formation mais aussi de collaboration interdisciplinaire en fonction des compétences propres à chacun (médecins, psychologues et psychiatres). La première ligne serait donc composée de professionnels formés à un certain discernement diagnostic, réactifs et en interaction interdisciplinaire.
2. Un deuxième niveau spécialisé
La deuxième composante, c’est donc la seconde ligne de soins psychologiques plus spécialisés, qui ne serait accessible quant à elle que sur référence de la première ligne, et qui ferait donc l’objet d’une orientation contrôlée (gatekeeping). Ces professionnels disposeraient de formations spécifiques et adaptées aux problématiques qui leur parviennent.
Néanmoins, le rapport du KCE souligne les limites d’une approche de type diagnostic / traitement (approche type DSM ou CIM) pour privilégier une appréhension fonctionnelle des problèmes humains rencontrés, pour éviter de "médicaliser le social" (5.3.3. p.22). Le rapport souligne également les limites de l’Evidence-based en psychothérapie (5.3.4. p.23), et défend l’importance de la liberté thérapeutique du praticien ainsi que de la qualité du lien thérapeutique. Le rapport souhaite également préserver une ouverture aux types de thérapies proposées.
S'agissant d'argent public, le nombre de séances d'aide psychologique remboursée serait limité. Mais des possibilités de renouvellement seraient prévues sur base d'une analyse de la situation de la personne. La rapport évoque même, à ce moment, l'intervention d'un psychologue ou psychiatre conseil (5.3.6. p.25).
Renforcer les structures existantes plutôt que tout recréer
Un accent tout particulier est donc mis sur le travail interdisciplinaire, et particulièrement le renforcement de la collaboration entre médecins généralistes et psychologues (p.26).
On travaillerait sur base du réseau officiel existant: SSM, PMS ou CPAS, centres de planning, etc. Mais afin de garantir une flexibilité maximale de l'offre (d'un point de vue géographique par exemple), le rapport recommande de maintenir la place des acteurs constitutifs de l'offre de soins psychologiques actuels, faisant en cela référence au réseau de psychologues indépendants (5.6.1. p.27). Par ailleurs, le rapport souligne que rien ne s'oppose à ce qu'un psychologue de première ligne puisse continuer son travail lors du passage éventuel en seconde ligne spécialisée (prise en charge en première et deuxième ligne assumée par le même psychologue - 5.6.2. p.28).
La rapport évoque rapidement un système d'évaluation de qualité des soins (remarque personnelle de Jérôme Vermeulen: cette logique d'évaluer la qualité des soins me paraît très délicate à mettre en oeuvre!).
Financement du système
Le point 5.8. (p.29) présente un premier modèle de financement de ces remboursements de la psychothérapie (soins psychologiques) en Belgique. Je ne me pencherai pas ici sur ce volet du rapport. Le lecteur intéressé peut s'y pencher directement dans le rapport, point 5.8. pages 29 à 33.
Les recommandations du KCE
Les pages 34 à 38 présentent les recommandations proposées par le KCE.